Dans ce contexte, les conditions d'emprunt se sont resserrées en raison notamment du maintien des mesures du Haut Conseil de Stabilité Financière pour restreindre l'accès au crédit (durée de l'emprunt limitée à 25 ans et taux d'endettement à 33% maximum), mais aussi en raison de la hausse des taux cumulée à la baisse du taux d'usure [1] (générant un effet ciseau [2]).
Afin d'établir l'impact réel de la crise sur l'accès au crédit immobilier et l'évolution des conditions d'accès à l'emprunt par rapport à 2019, La Centrale de Financement dresse le bilan du premier semestre 2020, après analyse des dossiers montés [3] et finalisés [4] sur la période étudiée : Quelles évolutions par rapport à 2019 ? Quel type de profil d'emprunteur(s) a pu accéder au crédit et pour quel(s) projet(s) ? Quelles régions ont été les plus favorables à l'emprunt et pour qui ?
Principaux enseignements du 1er semestre 2020
- 86% des emprunts sont destinés à l'achat d'une résidence principale, pour l'ensemble des dossiers finalisés
- 65% des Français empruntent à deux (analyse des dossiers finalisés)
Les conditions d'emprunt se durcissent pendant la crise, avec comme principal impact :
- + 9,05% d'augmentation du montant moyen des prêts montés au cours du semestre
- +0,60% d'apport demandé par rapport à 2019, sur les dossiers montés au 1er semestre 2020
- -5% de primo-accédants sur le marché du crédit immobilier, par rapport au 1er semestre 2019
- 7500€ d'augmentation sur les revenus annuels moyens pour les emprunteurs ayant monté un dossier de prêt au cours du 1er semestre 2020, par rapport à l'année précédente à la même période
Un premier semestre 2020 favorable à l'emprunt, mais surtout pour les ménages les plus aisés [5] !
De manière générale, le premier semestre 2020 semble avoir été aussi propice à l'emprunt que celui de l'année précédente. Il aurait néanmoins favorisé des ménages avec un pouvoir d'achat encore plus important que l'année précédente... Quoi qu'il en soit, l'achat de la résidence principale est resté d'une année sur l'autre le projet préféré des Français !
L'achat d'une résidence principale reste prisé par les emprunteurs !
Le premier semestre 2020 a en effet confirmé l'intérêt des ménages emprunteurs pour l'achat d'une résidence principale. Celui-ci a concerné, au même titre qu'en 2019, 86% des dossiers. La durée moyenne des prêts est, elle aussi, restée stable par rapport au 1er semestre 2019, puisqu'elle demeure à 20 ans et 8 mois, pour les dossiers finalisés, au cours du premier semestre 2020.
En revanche, pour les dossiers montés au cours du semestre, la durée moyenne de l'emprunt s'est allongée de 2 mois entre 2019 et 2020. En effet, nombreux sont les ménages à avoir reporté ou mis en suspens leurs échéances de prêt, pendant la crise.
L'emprunt à deux, toujours majoritaire
La période étudiée a, par ailleurs, été plus favorable à l'emprunt à deux, puisque 65% des ménages ayant finalisé leur dossier au cours du 1er semestre 2020, étaient en couple. Une tendance qui reste donc stable par rapport à la même période, en 2019.
Des montants moyens de prêts à la hausse, pour des ménages emprunteurs plus aisés qu'en 2019
Malgré la crise, l'évolution des prix de l'immobilier n'a pas été freinée et a eu un impact direct sur le montant moyen des prêts des dossiers finalisés sur la période : ceux-ci ont en effet augmenté de 8,61%. Une tendance qui se confirme également sur le montant moyen des prêts pour les dossiers montés au cours du semestre, puisque ceux-ci ont crû de 9,05%.
« Là où certains pensaient que la crise ferait chuter le prix de l'immobilier, il semblerait que les tensions sur les prix ne se soient pas relâchées, bien au contraire ! La hausse des prix se poursuit dans les principales métropoles françaises; entre 2019 et 2020 les prix des maisons ont en moyenne augmenté de 5,6% [6].»
- Sylvain Lefèvre, Président de La Centrale de Financement
Dans ce contexte, l'accès au crédit immobilier sur le 1er semestre 2020 a été plus favorable à des profils d'emprunteurs aisés, à savoir en capacité de se positionner financièrement sur un marché immobilier très compétitif, et plus particulièrement dans les régions qui concentrent les métropoles françaises les plus attractives, telles que l'Ile-de-France, le Grand-Est et la région Rhône-Alpes.
Des conditions d'emprunt plus favorables qu'en 2019 ?
Marqué par la crise, le premier semestre 2020 semble avoir été moins favorable à l'emprunt que le premier semestre de l'année précédente. En effet, le montant d'apport demandé pour les dossiers montés au cours du semestre a augmenté de 0,60%.
«Une évolution qui s'explique notamment par l'incertitude générée par la crise vis-à-vis de la situation financière et économique de nombreux ménages emprunteurs. Dans ce contexte, les organismes bancaires ont privilégié les dossiers les plus solides et les emprunteurs en capacité de délivrer un apport plus important dans le cadre du prêt. Néanmoins, les conditions particulièrement favorables du premier trimestre de 2020 viennent contrebalancer les chiffres de la crise, ce qui explique que l'apport n'ait augmenté que de 0,60% sur l'ensemble du semestre.»
- Sylvain Lefèvre, Président de La Centrale de Financement
Au-delà de l'augmentation du pourcentage d'apport demandé aux emprunteurs, les conditions d'accès au crédit se sont particulièrement resserrées pendant la crise, du fait de la hausse des taux cumulée à la baisse du taux d'usure (générant un effet ciseau) et du maintien des mesures mises en place par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) pour restreindre l'accès au crédit... Autant de facteurs ayant eu pour conséquence première de pénaliser une frange de la population déjà fortement fragilisées par la crise : les primo-accédants. Sur l'ensemble des prêts contractés au cours du semestre 2020, leur part a diminué de 5%.
Des conditions d'emprunt qui varient selon les régions
Au cours du premier semestre 2020, les conditions d'emprunt varient significativement selon les régions françaises. Seule la tendance liée à l'usage du bien financé se confirme puisque, sur l'ensemble des territoires, l'achat d'une résidence principale prime sur l'investissement locatif et l'acquisition d'une résidence secondaire.
Les projets immobiliers restent principalement destinés à l'achat d'une résidence principale, malgré un attrait particulier pour l'investissement locatif dans certaines régions françaises !
Moins fréquent que l'acquisition d'une résidence principale, l'investissement locatif reste cependant mieux représenté dans certaines régions françaises que dans d'autres. C'est notamment le cas de la région Grand-Ouest qui reste relativement attractive pour les investissements locatifs.
« L'investissement locatif représente 19% des biens financés sur le 1er semestre 2020 pour la région Grand-Ouest. La Bretagne est un bon exemple de l'attractivité du Grand-Ouest pour l'investissement locatif, en raison de sa proximité avec la région parisienne, mais également du prix de l'immobilier qui est, par exemple, environ deux fois moins onéreux que dans le Sud-Est de la France ! Comptez en moyenne 1830 euros du m2 en Bretagne contre 3551 euros le m2 pour la région PACA. »
- Sylvain Lefèvre, Président de La Centrale de Financement
Un montant moyen des prêts dépendant du prix de l'immobilier pratiqué dans la région
Quant au montant moyen des prêts, celui-ci varie sensiblement en fonction des régions. En Normandie, dans le Sud-Ouest et dans le Grand-Ouest, il est environ 30% moins élevé que dans le reste des régions étudiées.
« Le prix au m² est en moyenne moins important en Normandie, dans le Sud-Ouest et dans le Grand-Ouest qui abritent des villes comme Toulouse, Bordeaux, Le Havre. Celles-ci drainent davantage d'investissements locatifs, dont le montant moyen est souvent moins onéreux que pour une résidence principale. A l'inverse, ce dernier est significativement plus élevé dans les régions Île-de-France, Sud-Est, Rhône-Alpes et Grand-Est, en raison de l'attractivité économique de villes comme Paris, Lyon, Nice et Strasbourg faisant gonfler les prix au m². »
- Sylvain Lefèvre, Président de La Centrale de Financement
Mécaniquement, dans les régions qui concentrent des prix au m2 élevés, une sélection naturelle des emprunteurs s'opère. Ainsi, les revenus annuels moyens des emprunteurs investissant dans les régions qui disposent d'un marché de l'immobilier tendu, excèdent en moyenne de 14,5% ceux des ménages investissant dans des territoires comme la Normandie, le Grand-Ouest et le Sud-Ouest [7].
Le pourcentage d'apport demandé, reflet des conditions d'accès à l'emprunt dans chaque région française
D'une région à l'autre, les conditions d'emprunt fluctuent pour s'adapter au marché local. Le profil de l'emprunteur, son âge, son emploi, ses revenus sont autant de facteurs pris en compte dans le calcul du pourcentage d'apport demandé aux ménages emprunteurs. Ce paramètre compte en effet parmi les principaux leviers dont disposent les banques pour s'assurer de la solidité du dossier de demande de prêt ou encore pour sélectionner les meilleurs dossiers sur un marché immobilier particulièrement concurrentiel.
Dans certaines régions, telles qu'en Normandie, dans le Sud-Ouest et le Grand-Ouest, le pourcentage d'apport demandé est en-deçà de la moyenne semestrielle (10,60%) et oscille entre 9,20% et 9,60% du montant total du prêt. Cela peut s'expliquer par la volonté des organismes bancaires de redynamiser le marché du crédit dans une région où la demande de prêt est moins fréquente. À l'inverse, dans d'autres territoires le pourcentage d'apport demandé sera bien supérieur au pourcentage moyen pratiqué en France. C'est notamment le cas de l'Île-de-France dont le pourcentage d'apport demandé excède la moyenne semestrielle de 2%. Cette région dispose d'un marché de l'immobilier pour le moins tendu, ce qui conduit à une sélection des dossiers d'autant plus stricte que la demande est forte.
Au-delà des dynamiques de marché, l'âge moyen des emprunteurs est un facteur déterminant quant au montant de l'apport demandé.
Par exemple la région Sud-Est se situe juste derrière l'Île-de-France en termes de revenu moyen des emprunteurs, et pourtant l'apport qui leur est demandé lors de l'achat d'un bien immobilier est environ 2% plus élevé qu'en Ile-de-France et représente en moyenne 14,60% du montant du prêt. En cause, des emprunteurs relativement plus âgés que sur le reste de la France qui étirent la moyenne d'âge régionale à 40 ans. Cela impacte directement la durée moyenne de l'emprunt qui est plus courte de 4 mois par rapport à la région Rhône-Alpes qui, elle, dispose d'emprunteurs en moyenne plus jeunes de 4 ans. À l'inverse, l'apport demandé en région Rhône-Alpes est 2% supérieur à la moyenne nationale en raison de la proportion plus importante de jeunes emprunteurs dans cette région [8]. Ceci conduit les organismes bancaires à sélectionner les dossiers disposant de la meilleure assise financière : majoritairement des primo accédants faisant appel à la solidarité familiale.
Quelles sont les régions les plus favorables à l'emprunt pour les primo-accédants ?
À l'analyse de l'ensemble des dossiers finalisés par la Centrale de Financement au cours du 1er semestre 2020, la région Rhône-Alpes semble être la plus favorable à l'emprunt des primo-accédants, puisque ceux-ci représentent 36% des emprunteurs dans la région, contre 31% en moyenne toutes régions confondues sur l'ensemble du semestre.
« Il est plus difficile pour les primo-accédants de se voir accorder un prêt dans les régions où le marché de l'immobilier est engorgé puisque la concurrence y est plus forte. C'est pourquoi, ils comptent pour 26 à 29% des emprunteurs dans le Sud-Est, en Île-de-France et dans le Grand-Est. Par ailleurs, les primo-accédants ont plus facilement accès à l'emprunt dans les régions qui adoptent une politique de soutien à la demande de crédit sur des marchés moins tendus. C'est le cas en Normandie, dans le Sud-Ouest et dans le Grand-Ouest où le montant des biens y est moins élevé, et l'apport demandé en deçà de la moyenne semestrielle, toutes régions confondues. »
- Sylvain Lefèvre, Président de La Centrale de Financement
[1] Le taux dit d'usure est celui au-dessus duquel les établissements de crédit n'ont pas le droit d'accorder de prêt. Il ne s'applique pas uniquement au taux d'emprunt proposé par la banque, mais au Taux Annuel Effectif Global (TAEG), qui inclut l'assurance emprunteur et les frais annexes.
[2] Avec l'augmentation des taux pendant la crise, l'écart entre le TAEG et le taux d'usure s'est réduit : il s'agit de l'effet ciseau. Dans ces conditions, les futurs emprunteurs ont atteint plus rapidement le taux d'usure, entraînant ainsi le refus de leur prêt immobilier.
[3] Un dossier monté correspond à un dossier présenté devant un organisme de crédit.
[4] Un dossier finalisé correspond à un dossier dont l'octroi de crédit a été acté par l'organisme bancaire.
[5] À savoir des ménages en capacité financière de se positionner sur le marché du crédit immobilier, disposant d'un revenu annuel moyen entre 56 000€ et 63 000€ et dont le dossier de demande de prêt corresponde aux critères établis par le HCSF.
[6]Le Figaro Particulier
[7] Chiffres relatifs aux dossiers financés au cours du 1er semestre 2020.
[8] Ceci s'explique par l'attractivité de la région, dont "la croissance démographique régionale reste forte" selon l'INSEE et qui concentrent, de fait, une forte proportion de jeunes adultes au sein de sa population.