Le chef de l'Etat n'est pas venu les poches vides à la quatrième édition des "24 heures du bâtiment", organisée par la Fédération française du bâtiment (FFB) au Palais des congrès de Paris.
L'hôte de l'Elysée y a distillé quelques annonces afin de désamorcer la fronde des professionnels du secteur, menacé d'un gigantesque coup de rabot budgétaire: baisse généralisée des aides personnalisées au logement (APL), réduction du prêt à taux zéro (PTZ) et du dispositif "Pinel" aux seules zones tendues, fin du crédit d'impôt transition énergétique (CITE) pour les portes et fenêtres.
"Je vous ai entendu et j'ai aussi entendu les maires ruraux qui nous ont alertés sur le fait que ça pouvait, chez eux, freiner l'activité, en tout cas donner le sentiment d'une fracture qui pouvait s'installer", a expliqué M. Macron.
Dont acte: le PTZ, qui devait être supprimé dès le 1er janvier dans les zones où le marché immobilier est le moins en tension, y sera finalement maintenu dans un format réduit.
Ce prêt aidé par l'Etat peut actuellement financer jusqu'à 40% d'un achat immobilier. Dans les zones dites B2 et C, "un taux à 20% ne créerait pas une rupture", a estimé le chef de l'Etat, qui entend "ouvrir très rapidement, la semaine prochaine, une concertation" avec les professionnels du bâtiment pour acter ce choix.
Le dispositif ainsi révisé permettrait de "poursuivre pendant deux ans le PTZ neuf" dans ces zones, a précisé le ministre en charge du Logement, Jacques Mézard, suggérant en creux que la rénovation de logements anciens ne bénéficiera plus du PTZ.
"C'est un soulagement", a reconnu le président de la FFB Jacques Chanut, rappelant qu'"on est parti de zéro" et estimant avoir été "bien entendu".
Sorties "en sifflet"
Le président de la République a aussi donné quelques gages aux artisans qui s'inquiètent de la réforme du crédit d'impôt transition énergétique (CITE).
"Il ne faut pas (l')arrêter (pour) certaines chaudières fioul qui étaient respectueuses de l'environnement" et "que vont plutôt chercher les classes moyennes ou les classes populaires dans la France rurale ou périphérique", a affirmé M. Macron.
Il a souhaité "qu'on sorte là-dessus en sifflet", c'est-à-dire que cette aide disparaisse progressivement, sans pour autant détailler le calendrier, ni les taux ou montants de financement envisagés.
Le président a, là aussi, appelé à "un accompagnement en sifflet" pour "qu'il n'y ait pas une rupture brutale sur les portes et fenêtres", qui doivent sortir du dispositif CITE d'ici fin mars, l'objectif restant de "mettre sur pied quelque chose de plus intelligent" en 2018.
Un signal envoyé aux spécialistes des portes et fenêtres, qui ont mis en garde contre "la destruction de 6.000 à 9.000 emplois en 2018".
Sur le CITE, "on se donne un an" pour définir les travaux qui resteront éligibles, avec "sans doute une baisse du taux" de prise en charge, a expliqué M. Chanut.
Cette tentative d'apaisement à coups de "sifflet" doit éviter au gouvernement de subir les huées qui ont accueilli M. Mézard au congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH), fin septembre à Strasbourg.
Mais les bailleurs sociaux n'ont pas, eux, obtenu de concession et devront "trouver une solution intelligente", a indiqué M. Macron, qui les appelle à fusionner et à partager leurs ressources financières.
"Il y a trop d'acteurs, près de 800, il faut des regroupements en deux, trois ans", a-t-il jugé, ajoutant qu'"il y en a qui ont beaucoup d'argent et ne l'utilisent pas".
La FFB était résolue à combattre les mesures "anti-immobilier" du gouvernement
Le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) avait critiqué vendredi une "musique de fond" défavorable du gouvernement sur l'immobilier, avant la venue dans la journée d'Emmanuel Macron au forum annuel de l'organisation.
"Il y a une petite musique de fond qui ne nous plaît guère en ce moment sur l'immobilier en général", a déclaré Jacques Chanut, président de la FFB, interrogé sur la radio RMC.
M. Chanut avait regretté plusieurs mesures de la politique du logement du gouvernement, craignant qu'elles ne brisent la dynamique d'un secteur en train d'effectuer peu à peu sa reprise après des années difficiles dans la foulée de la crise financière et économique mondiale de 2008.
Il avait évoqué le recentrage de l'impôt sur la fortune (ISF) sur le patrimoine immobilier, la réduction du périmètre géographique du prêt à taux zéro, ainsi que l'exclusion des travaux de remplacement des fenêtres, portes et volets du crédit d'impôt transition énergétique (CITE).
"Ca crée un climat qui est en train d'entamer un peu la confiance en l'avenir et c'est bien dommage parce que (...) nos clients ont confiance en l'avenir", avait-t-il prévenu.
Sur l'ISF, notamment, M. Chanut avait estimé que, dans la vision du gouvernement, "le logement (...) serait une valeur de rente, de richesse ostentatoire".
De fait, l'exécutif justifiait la transformation de l'ISF en "impôt sur la fortune immobilière" (IFI) comme un encouragement à investir dans l'économie réelle pour les contribuables les plus aisés.
Dans ce contexte, M. Chanut avait exprimé son scepticisme avant la venue dans l'après-midi du président de la République, Emmanuel Macron, à l'événement annuel de l'organisation à Paris.
"Il va sans doute venir avec un discours plein d'entrain et nous demandant de croire en l'avenir", a dit M. Chanut. "Mais c'est pas tellement nous qui avons du mal à croire en l'avenir. Il faut que ça soit nos clients qui, eux, aient cette confiance-là, et cette possibilité de se financer."
La CAPEB salue des annonces attendues par les professionnels du bâtiment
La Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) réagit aux dernières annonces du gouvernement dans le cadre du plan logement et du projet de loi de finances pour 2018. Elle se félicite d’avoir été en partie entendue suite à son action.
- Le CITE pourrait être revu et corrigé soit par le gouvernement soit par les parlementaires qui pourraient réintroduire tout ou partie des équipements perdus (portes, volets, fenêtres et chaudières fioul) et en abandonner l’application rétroactive.
- Quant au recadrage partiel du PTZ, c’est une mesure utile pour le neuf mais qui oublie le secteur de l’existant.
- La CAPEB souhaite qu’une vraie concertation se mette en place, dans les jours qui viennent, avec les acteurs de la filière pour arrêter le recalibrage du CITE qui, si rien n’est fait, risque de mettre en péril l’activité et l’emploi dans le bâtiment et est à ce stade en contradiction avec l’objectif de la France de réussir la transition énergétique.
Le CITE en 2018, un soutien nécessaire pour l'activité des artisans du bâtiment
La communication du président de la République au sujet du CITE a permis d’espérer qu’un infléchissement des propositions du gouvernement puisse être envisageable pour corriger les effets déplorables des mesures initialement annoncées dans le projet de loi de finances pour 2018.
La non-rétroactivité du CITE au 27 septembre est attendue par tous les professionnels car elle est indispensable. En effet, depuis cette date les entreprises sont en proie à des complications commerciales et aux contestations de leur clientèle. Il est vrai que la brutalité de l’annonce avait surpris les entreprises et les clients et était totalement incompréhensible.
Le maintien de ce CITE à 15% tout au long de l’année 2018 doit également être retenu car il est de nature à faire revenir la sérénité dans les échanges commerciaux et à permettre d’offrir de la visibilité et de la stabilité aux entreprises artisanales dont l’activité est enregistrée à la hausse depuis 2017.
Un recadrage du PTZ bienvenu mais trop restrictif
Enfin, le PTZ est recadré afin d’apporter un soutien à la construction neuve sur l’ensemble du territoire. La CAPEB regrette que cette bonne idée n’ait pas bénéficié au PTZ dans l’ancien. L’achat d’un logement ancien à rénover reste circonscrit aux zones dites « détendues ». La couverture sur 100 % du territoire national aurait été préférable. Tous les ménages sur l’ensemble du territoire doivent pouvoir être aidés. De même, toutes les entreprises artisanales doivent pouvoir profiter du soutien à la rénovation. Rappelons que c’est toujours à l’acquisition d’un logement que les ménages envisagent les travaux.
Patrick Liébus, président de la CAPEB réagit : « Les artisans continuent de penser que la politique du logement doit être envisagée dans la pérennité des mesures pour les entreprises et dans la lisibilité des aides pour les clients. Les artisans sont partie prenante dans la politique énergétique nationale et veulent voir se consolider la trajectoire engagée dans ce domaine. C’est une bonne chose de ne pas y introduire des éléments de rupture. Les indicateurs de croissance doivent être confortés d’autant que le ‘choc de l’offre’ affiché par le Premier ministre ne produira pas immédiatement les effets escomptés ».