L'enquête préliminaire a été ouverte contre X, "notamment pour concussion", suite à un signalement de la chambre régionale des comptes (CRC) en septembre 2023, a précisé à l'AFP le procureur de la République de Bastia, Jean-Philippe Navarre.
La concussion est le fait, pour une personne chargée d'une mission de service public, de ne pas toucher une somme due (impôt, taxe, etc.) ou d'en percevoir une indue.
L'affaire concerne l'achat par préemption fin 2018 par la Collectivité de Corse d'une parcelle de 3,3 hectares pour deux millions d'euros sur l'île de Cavallo, rattachée à la commune de Bonifacio (Corse-du-Sud) et quasi privatisée.
Or, un restaurant en activité se trouvait sur cette parcelle et un bail commercial en vigueur jusque fin 2026 empêche la Collectivité d'aménager le terrain en vue de son ouverture au public, relève la CRC dans un rapport publié le 15 janvier.
Elle pointe aussi que la collectivité dirigée par M. Simeoni a décidé "de ne recouvrer aucun (des) loyers annuels dus" par le restaurant, soit un manque à gagner de "20.000 euros par an", et a refusé de s'acquitter des charges de copropriétés (11.000 euros par an), charges payées par le locataire.
"Crapulerie, infamie, barbouzerie"
L'objectif de cette préemption était de "permettre à l'ensemble des pouvoirs publics de rétablir l'état de droit sur l'île de Cavallo", "symbole et archétype de la spéculation foncière et immobilière (..) et des transactions financières occultes pendant des décennies", s'était défendu Gilles Simeoni dans sa réponse écrite à la CRC.
"Il en est de même du refus d'encaisser les loyers ou de régler les charges de copropriété du syndicat des copropriétaires", qui "participe par son fonctionnement" à "la privatisation des plages de l'île", avait-il justifié.
L'élu se défend également d'avoir acheté ce terrain trop cher, alors que la chambre estime qu'en acquérant cette parcelle pour "60 euros le mètre carré" la Collectivité a payé un prix "très supérieur" aux espaces naturels sensibles similaires acquis par le Conservatoire du littoral dans l'extrême sud de la Corse. "Les deux millions investis par la Collectivité pour 3,3 hectares correspondaient à un potentiel d'achat d'au moins 100 hectares dans l'extrême sud", selon la CRC.
Sur ce point, Gilles Simeoni a répondu que "le prix moyen des terrains non bâtis sur l'île de Cavallo était de 126,27 euros le mètre carré, soit plus du double" que ce qu'a payé la Collectivité.
Dernière remarque de la Chambre: "La transformation de la parcelle en espace naturel sensible et son ouverture au public à compter de 2027, fondement de la décision de préemption, pourraient être coûteuses et complexes à réaliser", la Collectivité devant "verser une indemnité d'éviction si elle décide de ne pas renouveler le bail commercial" du restaurant.
Ce rapport de la CRC a été cité mercredi par Le Canard Enchaîné pour attribuer à Gilles Simeoni "de drôles de liens" avec la bande criminelle corse du "Petit Bar", qui serait derrière la gestion de ce restaurant.
En réaction, Gilles Simeoni s'est vivement défendu jeudi devant l'Assemblée de Corse, recevant le soutien unanime de l'hémicycle, en plaidant que si cet article était vrai, il ne devrait "pas rester dans (s)es fonctions".
Assurant avoir toujours eu à coeur de "défendre l'intérêt de la Corse et des Corses", l'élu autonomiste a dénoncé "une crapulerie, une infamie et peut-être une barbouzerie".