"L'idée, c'est d'avoir des objectifs chiffrés, ou des quotas, c'est une question de sémantique", a-t-elle dit sur BFMTV/RMC, à la veille d'annonces officielles sur l'immigration par le Premier ministre Édouard Philippe.
"C'est la France qui recrute par rapport à ses besoins. C'est une approche nouvelle, un peu une approche qu'a le Canada et l'Australie, c'est assez proche", a-t-elle assuré.
Lundi soir, le chef du gouvernement a présenté à plusieurs ministres et à des parlementaires de la majorité des mesures sur l'immigration, dont l'actualisation des filières en tension qui date d'un arrêté de 2008.
La liste sera fixée "l'été prochain, on a pour trois ou quatre mois de méthodologie", a souligné Mme Pénicaud. Et les quotas aussi seront mis en place "l'été prochain".
"On va revoir cette liste chaque année (...) On commence dans quelques semaines avec les partenaires sociaux et les régions. La Dares (cellule statistique du ministère du Travail, NDLR) et Pôle emploi vont travailler pour analyser tous les métiers en tension (...) On vérifie que tous les efforts de formation ont été faits pour permettre à nos demandeurs d'emploi de prendre ces emplois et ensuite les réfugiés (...), on fixera le nombre de personnes par métiers et par territoire", a-t-elle développé.
Une première réunion de méthodologie sur l'élaboration de cette liste se tiendra le 18 novembre, a-t-on précisé dans l'entourage de la ministre.
Pour la liste, en plus de Pôle emploi, le gouvernement "va travailler avec les partenaires sociaux et les régions", a précisé Mme Pénicaud, reconnaissant une immigration "assez modeste en chiffres" - 33.000 personnes par an.
Ces quotas seront fixés en fonction du pays d'origine? "Non, ça n'a aucun sens", a-t-elle répondu. L'immigré "professionnel" aura "un visa de travail pour une durée déterminée et un travail déterminé".
La droite sur sa faim, la gauche dénonce une "instrumentalisation"
La droite salue mardi l'annonce de futurs quotas d'immigration économique, même si elle les juge insuffisants, tandis qu'à gauche des voix s'élèvent contre une "instrumentalisation" du thème de l'immigration pour détourner les Français des préoccupations sociales.
Les écologistes d'EELV se montrent, eux, prudents sur les quotas: s'ils permettent de "sortir du fantasme que nous sommes envahis" et de "montrer que l'immigration est aussi une chance pour notre pays", alors "ça peut être intéressant, il faut en discuter", a réagi leur chef de file Yannick Jadot sur franceinfo.
Mais il voit aussi dans la mise en avant du thème de l'immigration un "subterfuge" du gouvernement "pour ne pas parler de l'éducation, de la santé, des policiers, de l'affaissement des services publics, de cette réforme terrible de l'assurance chômage". Et fustige les autres mesures qui seront annoncées mercredi et qui ont fuité dès lundi soir: délai de carence de trois mois avant d'accéder à la Protection universelle maladie - PUMa - pour les demandeurs d'asile, accord de la Sécurité sociale pour des actes non-urgents dans le cadre de l'Aide médicale d'Etat - AME.
Chez Les Républicains, l'idée de quotas, portée par Nicolas Sarkozy alors président de la République et confirmée mardi par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, est naturellement saluée. Mais avec de grosses réserves.
"C'est une idée que nous défendons depuis de nombreuses années donc je ne vous dirai pas que c'est une mauvaise idée", a réagi Aurélien Pradié, nouveau secrétaire général du parti, sur Sud Radio.
Mais "qu'Emmanuel Macron ne vienne pas nous baratiner: s'il veut le faire, il faut un vote, il faut transformer la loi" pour qu'elle fixe "le niveau de quotas".
Pour le nouveau numéro 2 de LR, Guillaume Peltier (sur Europe 1), "c'est tellement insuffisant: rien sur la réforme de l'AME que nous souhaitons réserver aux seuls cas d'urgence, rien sur l'expulsion des clandestins et des déboutés du droit d'asile, rien sur la suppression des filières de mafieux de passeurs".
A gauche, Valérie Rabault, présidente du groupe PS à l'Assemblée nationale, alerte sur la "stigmatisation" de ceux qui bénéficieront, ou pas, des quotas et l'"instrumentalisation" de la question migratoire par le gouvernement.
"Politiquement cynique, scandaleux sur le plan humanitaire, inconséquent sur le plan sanitaire. Carton plein", a tweeté Olivier Faure, premier secrétaire du PS, à propos des mesures sur l'AME et la PUMa.
Pour la députée européenne LFI Manon Aubry, c'est "irresponsable d'un point de vue de santé publique", et "honteux au regard de la protection des droits humains".