Alors que le gouvernement consulte actuellement les partenaires sociaux sur l'adaptation de sa réforme de 2019 à la crise, le CAE, instance qui conseille le Premier ministre, se projette au-delà et traite, dans cette note publiée mardi, de la gouvernance du système qui doit elle aussi en principe faire l'objet d'une discussion en 2021.
Dans la ligne de mire des économistes Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo et Camille Landais, la singularité de la France, "seul pays dont les règles de l'assurance chômage sont en principe fixées par les partenaires sociaux" au sein de l'Unédic.
En principe seulement, car depuis 2018, c'est l'exécutif qui "a la main" par la lettre de cadrage de négociations imposée aux partenaires sociaux "qui n'ont plus qu'un rôle de façade", a souligné M. Cahuc lors d'une conférence de presse, comme l'a prouvé la réforme de 2019 adoptée par décret après l'échec d'une négociation très contrainte.
Cette organisation spécifique de l'assurance-chômage "est inefficace, car elle ne permet pas de véritable coordination entre les paramètres de l'assurance-chômage et l'ensemble des prestations sociales, des prélèvements obligatoires et des politiques d'emploi" décidés par l'État.
En outre, elle "ne permet pas de faire participer toutes les parties prenantes à une évolution de la couverture et du financement de l'assurance-chômage susceptible d'intégrer un ensemble plus large de professions et de secteurs", jugent-ils.
Aussi suggèrent-ils la création d'un "Conseil de négociation", composé de représentants des salariés, des employeurs mais aussi des travailleurs indépendants et de l'État, qui serait chargé "d'élaborer les paramètres de l'assurance-chômage et l'organisation de l'accompagnement des demandeurs d'emploi".
Se défendant de proposer une étatisation, ils estiment que le pouvoir au sein de ce conseil "pourrait être partagé de manière équilibrée grâce à des règles de décision reposant sur des votes".
Ce conseil s'appuierait sur les travaux d'un Haut Conseil de l'assurance-chômage (HCA) qui, sur le modèle du Conseil d'orientation des retraites, serait chargé de "faire émerger une expertise partagée" sur les conséquences des paramètres de l'indemnisation et l'efficacité des mesures d'accompagnement des demandeurs d'emploi.
En dépit des travaux de l'Unedic, M. Cahuc regrette "un manque d'information sur les effets des règles d'assurance chômage sur les comportements et trajectoires des individus".
Par ailleurs, selon M. Carcillo, l'expertise de l'Unédic "ne fait pas consensus" au sein de l'État et "cela crée un problème de confiance", comme lors d'une polémique en 2019 entre le ministère du Travail et l'Unédic autour d'une note de Pôle emploi affirmant que certains demandeurs d'emploi, alternant contrats courts et chômage, pouvaient toucher plus que leur salaire moyen antérieur.
Le Conseil de négociation élaborerait des propositions, débattues au Parlement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale "afin d'assurer la cohérence de l'ensemble du système socio-fiscal".