Le compromis trouvé mercredi en commission mixte paritaire devra être encore voté dans les deux chambres, le 15 novembre à l'Assemblée et le 17 au Sénat, pour être définitivement adopté.
Ce texte permet au gouvernement de décider jusqu'à la fin 2023 des règles d'indemnisation de l'assurance chômage par décret en lieu et place des partenaires sociaux.
Dans un premier temps, il prolonge les règles actuelles de l'assurance chômage, issues d'une réforme contestée du premier quinquennat Macron et qui sont arrivées à échéance le 1er novembre. Un décret a été pris en ce sens par anticipation fin octobre.
Le projet de loi enclenche aussi la possibilité, par décret, de moduler certaines règles d'assurance chômage (comme la durée d'indemnisation ou les conditions d'ouverture de droit) en fonction de la situation du marché du travail, promesse de campagne d'Emmanuel Macron.
Bien que les syndicats y soient unanimement opposés, une concertation est en cours avec les partenaires sociaux jusque fin novembre, le gouvernement souhaitant faire appliquer cette modulation début 2023.
"L'accord trouvé par les députés et les sénateurs est une bonne nouvelle pour notre objectif de plein emploi. Nous poursuivons les concertations avec les partenaires sociaux pour de nouvelles règles d'assurance chômage plus adaptées à la conjoncture", s'est félicité sur Twitter le ministre du Travail Olivier Dussopt.
Pour arriver à cet accord, la majorité a dû accepter un durcissement du texte des sénateurs LR auquel le ministre était initialement opposé.
Désormais, deux refus en un an d'un CDI après un CDD ou un contrat d'intérim sur le même poste, le même lieu avec la même rémunération entraîneront la perte de l'indemnisation chômage. Ce sera à l'employeur d'en informer Pôle emploi.
"Risque d'usine à gaz"
"Le gouvernement n'en voulait pas, mais nous n'avons pas plié", a déclaré à l'AFP la rapporteure du texte au Sénat Frédérique Puissat (LR).
Dans une récente interview à Ouest France, Olivier Dussopt y voyait pourtant des "risques".
"Le premier est d'inciter des demandeurs d'emploi à ne pas accepter des contrats courts ou des missions d'intérim de peur finalement d'être enfermés dans un emploi qu'ils auraient pris pour des raisons alimentaires (...) La deuxième raison est qu'un salarié qui est allé au bout de l'engagement contractuel qu'il a signé, n'a pas à être sanctionné", avait-il jugé.
Le rapporteur à l'Assemblée Marc Ferracci (Renaissance) a souligné avoir "accepté la mesure dans un souci de compromis", mais pense qu'il y a un risque "d'usine à gaz".
"Est-ce que les employeurs vont s'engager dans la démarche (pour pointer les refus de CDI, ndlr)?", s'est interrogé le député, qui a "un gros doute sur la faisabilité".
En outre, les agents du contrôle à Pôle emploi devront vérifier si le CDI refusé rentre dans les "offres raisonnables d'emploi" définies par le demandeur d'emploi avec son conseiller (zone géographique de recherche, salaire et temps de travail attendu, etc...). En cas de deux refus d'offres raisonnables, l'allocation peut déjà être supprimée.
"Mais cette règle n'est pas appliquée", souligne Eric Chevée de la CPME (petites et moyennes entreprises), sceptique "sur l'appropriation de ce nouveau dispositif par Pôle emploi".
Côté syndical, la CGT est "totalement opposée à cette sanction". "Même Dussopt avait dit que cela remet en cause la liberté d'accepter un contrat ou non", a réagi auprès de l'AFP le négociateur du syndicat Denis Gravouil.
"On n'arrive pas à juguler le fait que des entreprises enchaînent les CDD, il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures", a renchéri son homologue de la CFE-CGC Jean-François Foucard pour qui cette mesure "est de la communication".