Dans une première évaluation globale de l'impact des mesures d'endiguement de l'épidémie de Covid-19, l'Insee a estimé jeudi qu'elles entraînaient une perte d'activité d'environ 35% actuellement en France.
Depuis plusieurs semaines déjà, de nombreuses entreprises témoignent des conséquences catastrophiques de l'épidémie, en terme de difficultés logistiques et de ralentissement, voire d'arrêt de leur activité.
Selon l'Insee, cette réalité est surtout perceptible dans les services marchands, qui représentent plus de la moitié du PIB français, et parmi lesquels certains sont très affectés, comme les transports, l'hôtellerie ou la restauration.
Les enseignes du textiles, dont les magasins ont été fermés car jugés non essentiels, craignent purement et simplement pour leur "survie", selon l'Alliance du commerce.
Dans l'industrie (hors agroalimentaire), seule la moitié de l'activité est maintenue. Et seules l'agriculture et l'agroalimentaire résistent au marasme, les Français devant bien continuer à se nourrir en cette période de crise.
Difficile pour autant de déduire de ces évaluations l'ampleur que prendra la récession de l'économie française cette année.
L'Insee se refuse à toute prévision mais estime qu'un mois de confinement se traduirait par 3 points de produit intérieur brut (PIB) en moins sur un an.
Si le confinement devait durer deux mois, la perte de PIB serait de 6 points sur un an.
Mais la situation "est très évolutive", prévient le directeur général de l'Insee Jean-Luc Tavernier. L'activité "reprend après s'être interrompue" dans les travaux publics et certaines industries, alors qu'à l'inverse "le creux n'est sans doute pas atteint" dans d'autres secteurs comme les services aux entreprises, note-t-il.
Le gouvernement sait bien que son hypothèse annoncée la semaine dernière d'une récession de -1% cette année est déjà obsolète.
Le recul sera "très au-delà" de cette prévision a répété mercredi le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.
Pour l'agence de notation Moody's, la France pourrait connaître un recul du PIB de 1,4% cette année, quand son homologue S&P anticipe à ce stade -1,7%.
"Effort long"
L'évolution du PIB sera "très étroitement liée au scénario de sortie de crise sanitaire", souligne pour sa part l'Insee, pour qui "il n'est pas exclu que le retour à la normale ne soit pas immédiat".
La crise sanitaire "sera de plus en plus un choc économique, un choc social", a d'ailleurs prévenu mercredi le Premier ministre Édouard Philippe, évoquant un "effort long" face à l'épidémie, à l'issue d'un conseil des ministres durant lequel le gouvernement a adopté 25 ordonnances de soutien à l'économie, aux salariés et aux entreprises.
Ces dernières ont le moral dans les chaussettes: l'indicateur de climat des affaires publié jeudi par l'Insee a connu en mars sa plus forte chute depuis sa création en 1980.
La plupart des grands groupes français ont suspendu tous leurs objectifs financiers pour cette année et certaines entreprises, à l'image de LVMH et du fabricant de sous-vêtements Eminence, se mettent en mode +économie de guerre+ en réorientant leur production vers des biens indispensables aux services de santé comme les masques de protection ou les gels hydroalcooliques.
Le gouvernement a déployé un plan massif pour soutenir les entreprises, via un élargissement du chômage partiel, des report de charges ou encore un fonds de solidarité pour les petites entreprises et les indépendants.
Mais l'inquiétude persiste: la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a par exemple dénoncé des rejets croissants par l'administration de demandes de chômage partiel, une accusation toutefois réfutée par la ministre du Travail Muriel Pénicaud.