Le 8 janvier 2020, la mission d’information sur la conservation et la restauration de Notre-Dame de Paris a auditionné M. Eric Wirth, en tant que Vice-président du Conseil national de l’Ordre des Architectes. Celui-ci a porté à la connaissance de cette mission des allégations sur l’acier. Construiracier, représentant l’ensemble de la filière acier construction en France, regroupant des experts de la filière, entreprises, ingénieurs et architectes, est étonné par ces propos qui démontrent la méconnaissance du matériau acier et de ses propriétés. Construiracier tient donc à être entendu par la commission d’information sur la conservation et la restauration de Notre-Dame pour apporter des éléments d’information tangibles, vérifiées sur les propriétés du matériau acier, informer le grand public et corriger les propos de M.Wirth devant le CNOA.
La filière acier s’interroge également sur cette prise de position à moins que le CNOA ne soit pas soumis à un devoir de neutralité quant à la prescription de la matérialité des ouvrages.
Pour Michel JULIEN-VAUZELLE, Président de Construiracier « La filière acier construction ne s’est jamais prévalue d’une quelconque autorité sur l’avenir architectural de Notre-Dame. Mais elle ne peut en revanche laisser passer les allégations de M. Eric Wirth. C’est parce que Construiracier reconnait la légitimité du CNOA qu’il lui semble important de pouvoir échanger sur les propos infondés et préjudiciables tenus par M.Wirth. ».
Rappel des faits
Lors de l’audition, M.Wirth dans sa réponse à la question « Mais pourquoi les cathédrales de Reims et de Chartres n’ont pas été reconstruites en bois ? », le représentant du CNOA a affirmé : « Si l’ouvrage avait été en acier, il n’y aurait plus de cathédrale ». Et de développer sur le comportement supposé de l’acier en situation d’incendie.
Pour bien saisir le contexte, il s’agit de rappeler des éléments importants :
- Les conditions d’exploitation de Notre Dame. Pour limiter les risques d’incendie, la partie située entre la voûte et la couverture était vierge de tout stockage et n’avait d’ailleurs même pas de réseau d’éclairage. Or il est établi que pour qu’il y ait un feu, trois éléments doivent être réunis : un comburant, un combustible et de l’énergie.
- L’acier est un matériau incombustible. A Notre-Dame, le seul matériau combustible, nécessaire au développement du feu, était la charpente bois. Et si la charpente avait été en acier ? Contrairement aux affirmations de M. Wirth, une charpente acier ne se serait pas « déformée au bout d’une demi-heure et n’aurait pas tiré sur les parois » pour la simple raison qu’il n’y aurait pas eu d’incendie, puisqu’il n’y aurait rien eu à brûler !
- L’acier est résistant, léger et pérenne. M. Wirth a également affirmé que « l’on peut poser le problème de la légèreté : ces cathédrales, ne tenant structurellement, que parce qu'il y aurait une masse sur une voûte (...). Ça ne fonctionne que parce que c'est lourd ». Selon les principes constructifs énoncés par le Vice-président du CNOA et architecte de métier, on peut se demander comment la cathédrale de Chartres qui n’y répond visiblement pas, depuis 1841 et sa reconstitution en acier, tient encore debout. Il y a bien d’autres moyens pour obtenir une structure aussi solide que celle préconisée par M. Wirth…
La position de Construiracier : « Le bon matériau au bon endroit »
Pour Construiracier, il n’est pas question de faire jouer un matériau contre l’autre, qui plus est au sujet de Notre-Dame, pour laquelle l’heure n’est pas à la préconisation de matériaux quels qu’ils soient. La filière acier construction a toujours prôné la mixité intelligente : le bon matériau au bon endroit, pour ses bonnes caractéristiques et ses bonnes performances. A ce titre, Construiracier interroge toujours la pertinence du matériau acier et travaille en toute transparence et en bonne intelligence avec les architectes et autres acteurs de la construction.
L’audition de M. Wirth a conduit Construiracier à se poser plusieurs questions
- La préconisation de la reconstruction de la cathédrale Notre Dame à l’identique constitue-t-elle la position officielle du CNOA ?
- Le CNOA n’est-il pas soumis à un devoir de neutralité quant à la prescription de la matérialité des ouvrages et de leurs principes constructifs ? (Si ce n’est pas le cas, qu’en est-il du libre arbitre des architectes dans le choix des matériaux et des principes constructifs à mettre en œuvre ? N’est-ce pas là, également, une remise en cause du principe de libre concurrence ?)
- La préconisation d’un matériau unique constitue-t-elle la position officielle du CNOA, quitte à émettre des contre-vérités sur les autres matériaux ? L’acier est-il donc officiellement considéré comme un mauvais matériau de structure et de réhabilitation patrimoniale par le CNOA ?
- S’il appartient au CNOA de prescrire des solutions, n’est-il pas de sa responsabilité de maîtriser le sujet dans sa globalité afin de guider les choix de manière éclairée ?
ConstruirAcier est une association d’idées pour l’architecture. Elle informe et conseille les architectes, les bureaux d’études et les maîtres d’ouvrage sur les défis économiques et environnementaux relevés par l’acier dans l’architecture. L’association s’appuie sur un solide réseau d’experts et peut intervenir sur tous types de projets afin de transmettre les informations techniques essentielles, pour un usage approprié, performant, économique et innovant du matériau acier. Aujourd’hui, la filière acier rassemble plus de 175.000 emplois, recèle un potentiel de formation considérable et offre un large éventail de qualifications. Elle dispose de quelque 22.000 sites sur l’ensemble du territoire au sein d’un maillage géographique particulièrement dense permettant des circuits courts dans la chaîne de valeur. Le secteur réalise 44 milliards de chiffre d’affaires.
Réaction de M. Eric Wirth, Vice-président du CNOA
Contacté par nos soins, le CNOA nous a indiqué que M. Eric Wirth venait d'adresser ce jour une réponse à Construiracier, vous pouvez prendre connaissance de ce courrier ci-dessous :
Paris, le 25 février 2020
Objet : Réponse de recadrage au Communiqué de presse de Construire acier
Le drame du 15 avril 2019 a déjà suscité beaucoup d’émotions, et une nouvelle polémique n’est vraiment pas souhaitable car elle viendrait troubler un climat qui doit nécessairement être apaisé autour de la restauration de la cathédrale Notre Dame.
L’audition de la mission parlementaire a été l’occasion pour le Conseil national de l’Ordre des Architectes d’affirmer son soutien aux services du Ministère de la Culture, en charge du patrimoine, et surtout à M.Philippe Villeneuve, Architecte en Chef des Monuments historiques, qui met toute sa compétence et son engagement au service du sauvetage et de la restauration de Notre Dame.
Sa préférence est de restituer la cathédrale dans l’état perçu avant l’incendie, en cohérence avec la Charte de Venise, sous réserve bien sûr que l’on dispose des informations nécessaires, ce qui est largement le cas pour la cathédrale Notre-Dame.
Sous réserve également du diagnostic général de l’état actuel après sinistre, qui n’est, à notre connaissance, toujours pas finalisé, notamment en ce qui concerne l’état des pierres et des joints.
Le choix final du mode constructif en dépend fortement, et aucune solution technique ni matériau n’est bien sûr à écarter, ni écartée. Philippe Villeneuve et ses collaborateurs aviseront et feront des propositions et prescriptions en temps utile.
Lors de l’audition, le Cnoa a émis un avis, mais bien sûr aucune prescription, qui reste de la compétence du maître d’œuvre. A l’heure de la nécessaire transition écologique et de la réduction des gaz à effet de serre, il a manifesté une préférence pour les qualités écologiques du matériau bois, en cohérence avec la feuille de route du mandat en cours, préférence qui n’engage que lui, les architectes étant en responsabilité et donc libres de leurs choix. Retrouver et donner à voir des « savoir-faire » traditionnels est également un élément de l’argumentaire.
L’acier est un matériau exceptionnel, dont les qualités sont démontrées quotidiennement par les architectes du monde entier, que ce soit en construction neuve ou en intervention sur l’existant. Le Cnoa partage l’idée qu’il faut le bon matériau au bon endroit. Le choix est toujours contextuel, en fonction d’une multitude de critères. Pour Notre-Dame, ce choix reviendra à la maîtrise d’œuvre en charge de la restauration, et non au Cnoa bien entendu.