Pour poursuivre l’objectif louable de la construction durable, la réversibilité est devenue un enjeu majeur : tout le monde s’accorde sur le fait qu’il est inconcevable aujourd’hui de bâtir des immeubles monovalents, dont l’usage est figé pour toujours ; pour ne prendre que l’exemple des immeubles de bureaux, les (r)évolutions rapides dans les manières de travailler peuvent rendre obsolètes des constructions en parfait état, les condamnant à une démolition précoce.
Le législateur s’est donc emparé du sujet : la loi Climat et Résilience de l’été 2021 prévoit une « étude de réversibilité » qui devra, on l’imagine, démontrer la possibilité de reconvertir un immeuble dans un autre usage. On attend avec une certaine fébrilité les modalités d’application de cette loi…
Surgit toutefois une autre traduction de cet objectif de réversibilité : selon le bon vieux principe « qui peut le plus, peut le moins », la réglementation incendie (en cours de révision) aurait bien envie d’adopter, pour le cas général, la plus contraignante des exigences. On a identifié depuis longtemps que les risques sont différents dans des logements où une population d’âges variés est susceptible de dormir, et dans des locaux professionnels où les usagers ne connaissent pas forcément les lieux. Les différents pays européens ont d’ailleurs sur ce point des approches différentes : certains ayant une réglementation plus stricte en matière de logements, d’autres en matière de locaux professionnels.
Nous espérons ardemment que la bonne idée de la réversibilité ne va pas accoucher d’un monstre réglementaire cumulant, sans analyse critique, les contraintes du logement et des bureaux. La raison prêcherait pour une refonte pragmatique et analytique des normes, prenant en compte les nouveaux enjeux.
Un autre aspect de la lutte contre les émissions de carbone est le recours aux matériaux bio-sourcés, qui constituent, grâce à la photosynthèse, des stocks pérennes de carbone biogénique. Cet intérêt a été reconnu par la nouvelle réglementation environnementale, la RE 2020. Cela donne à l’industrie des matériaux bio-sourcés, encore peu développée mais prometteuse, un léger coup de pouce…. qui pourrait contrarier les positions installées.
Alors à l’occasion d’une révision des règles de sécurité incendie, qui doivent évidemment prendre en compte la présence de bois, de façon significative, dans ce nouveau type de constructions, apparaissent des études du Centre Etudes et Recherches de l’Industrie du Béton qui préconisent l’encapsulage généralisé de toutes les structure en bois, par des plaques de plâtre ce qui menace d’augmenter considérablement, et de façon prohibitive, le coût de la construction bois. La France est vraiment le seul pays au monde où l’on choisit officiellement les ingénieurs du béton pour évaluer les risques liés à la construction en bois.
La voie vers la construction durable et la sobriété carbone est semée d’embûches ; elle remet en cause des décennies de pratique, des positions confortablement installées. Espérons que les pouvoirs publics sauront trouver l’équilibre et ne pas tuer dans l’oeuf toutes les initiatives de diversification dans le choix des matériaux.