"Le confinement lié à l'épidémie de Covid-19 a été une expérience grandeur nature pour l'immobilier de bureau", résumait fin juin dans une tribune Méka Brunel, directrice générale du groupe Gecina, l'un des principaux propriétaires de bureaux en France.
"Les salariés ont été contraints de travailler à distance pendant plusieurs semaines, et des transformations qui étaient déjà à l'oeuvre se sont brusquement accélérées", poursuivait Mme Brunel.
La patronne de Gecina en vient à une conclusion, a priori peu naturelle pour un groupe qui détient plus de 16 milliards d'euros de bureaux. "Des bureaux vides n'ont pas de valeur en soi", jugeait-elle.
Ces réflexions sont largement partagées chez les grands acteurs du secteur, qui n'ont pas attendu la crise du virus pour tenir un discours selon lequel les bureaux ne se résument plus à quelques murs mais doivent offrir tout une gamme d'expériences à leurs utilisateurs, autrement dit les employés des entreprises locataires.
Le marché était déjà perturbé par la vague des immeubles de "coworking" qui proposent de louer de manière très souple des lieux pour travailler avec de multiples animations à la clé.
Mais le coronavirus a encore accentué ces discours, car il a montré que de multiples entreprises étaient capables de fonctionner pendant des semaines en laissant leurs employés travailler à distance.
Dans ce contexte, une figure du secteur comme Mme Brunel ne croit ni que le télétravail devienne la règle, ni que le marché des bureaux revienne à un statu quo d'avant le confinement.
Prévisions difficiles
Désormais, "les salariés choisiront aussi les entreprises avec lesquelles ils veulent s'engager en fonction de l'expérience qu'ils vivront sur leur lieu de travail", assure-t-elle.
Le bureau, argument d'embauche aussi parlant que le salaire? Avant de changer aussi profondément de visage, cet univers doit assumer les conséquences bien tangibles du confinement.
Celui-ci a largement stoppé l'activité du secteur et il est difficile de savoir à quel rythme elle va reprendre.
Publié ce mardi, l'indicateur trimestriel de référence, le bilan Immostat, témoigne d'une chute sans précédent en Île-de-France, là où se concentre le gros du secteur en France.
"Le marché locatif francilien enregistre le pire trimestre de son histoire", a résumé dans un communiqué le cabinet JLL, qui participe à l'élaboration de ce bilan.
Entre avril et juin, il y a eu environ deux tiers (-65%) de bureaux loués en moins en région parisienne par rapport à un an plus tôt. Cette évolution s'entend en superficie totale, celle-ci s'établissant à 197.500 mètres carrés.
"Le confinement a marqué un coup d'arrêt aux mouvements des entreprises", a souligné Marie-Laure Leclercq De Sousa, une experte de JLL. "Il faudra probablement attendre septembre (...) pour voir les demandes être réactivées. La question est de savoir si ces projets se transformeront dès le second semestre 2020 ou en 2021".
Un autre chiffre témoigne du coup d'arrêt du marché, celui de l'argent recueilli auprès des investisseurs. A quatre milliards d'euros investis en immobilier d'entreprise sur toute la France, il recule de 58% au deuxième trimestre.
"Outre les difficultés techniques liées au confinement, le marché de l'investissement a (...) souffert d'un accès extrêmement sélectif au financement", remarque dans une note le cabinet CBRE, autre membre d'Immostat.
Il juge "solides" les bases du secteur. Mais celui-ci reste particulièrement exposé à l'évolution d'une conjoncture économique qui s'annonce catastrophique avec une récession de plus de 10% prévue cette année en France.
"Difficile de faire des prévisions à ce stade tant les incertitudes sur la suite et le profil de la reprise économique demeurent", conclut dans une note Eric Siesse, de la filiale immobilière de BNP Paribas, autre contributeur du bilan.