"Les recrutements et la mobilité ont retrouvé leur niveau d'avant-crise. L'activité a nettement rebondi en 2021 après la récession de 2020 liée à la pandémie de Covid-19", indique l'IESF.
Le taux de chômage des ingénieurs, de 3,2% en incluant les jeunes diplômés (2,2% sinon), "est dans les niveaux les plus bas enregistrés", selon l'enquête.
Le rebond de l'activité s'est traduit par un retour des difficultés pour les recruteurs : 20% des recruteurs interrogés "ont rencontré des difficultés à recruter sur tous les profils, un niveau inégalé ces huit dernières années", seuls 39% n'ayant pas connu de difficulté particulière.
La nature des difficultés varie selon les profils recherchés, précise l'IESF, qui cite par exemple des "exigences salariales trop élevées des experts en intelligence artificielle ou en cybersécurité", ou une "absence sur le marché de certains profils d'experts techniques".
"Les entreprises ont du mal à recruter des ingénieurs parce qu'on n'en fabrique pas assez", a résumé Marc Rumeau, président de l'IESF, lors d'un entretien à l'AFP.
Quelque 38.000 nouveaux ingénieurs se présentent chaque année sur le marché du travail en France, alors qu'il en faudrait environ 60.000, selon M. Rumeau.
La filière hydrogène manquerait de 5.000 ingénieurs, la filière de l'air et de l'espace de 10.000, le nucléaire, en plein redémarrage, manque de 10.000 ingénieurs et techniciens, selon les informations dont dispose M. Rumeau.
Manque d'ingénieurs dans le nucléaire
Concernant ce secteur précis, M. Rumeau pointe du doigt le manque d'impulsion politique, comme en écho aux propos récents du PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy, sèchement recadré par le président Macron : "ça fait 30 ans qu'on a le pied sur le frein du nucléaire et très fortement depuis dix ans, donc on n'a pas recruté et encore moins formé dans ces filières-là", déplore M. Rumeau.
Le phénomène de manque d'ingénieurs n'est pas nouveau, mais s'est accentué ces dernières années, en raison de plusieurs facteurs, selon lui.
Il a notamment évoqué la réforme du lycée qui a supprimé les mathématiques du tronc commun dès la classe de première et provoqué une fonte substantielle des candidatures, notamment féminines, une suppression sur laquelle l'exécutif a promis de revenir.
"On commence à sentir une pression sur le pipeline des classes prépa et donc des écoles d'ingénieurs", a indiqué M. Rumeau.
Il a également déploré le "vol des cerveaux", évoquant le cas de la filière française de l'hydrogène, dont l'écosystème se trouve en région Rhône-Alpes, et dont les nouveaux diplômés "se font aspirer", notamment pour des raisons salariales, mais pas seulement, par le voisin suisse.
Plus largement, beaucoup de jeunes ingénieurs français "vont faire un double-diplôme", notamment au Québec ou aux États-Unis et "ne reviennent pas", a regretté M. Rumeau, appelant l'industrie française à "battre sa coulpe" et à offrir "des jobs attractifs".