Entre juillet et septembre, 99.900 permis ont été octroyés, soit un recul de 11,5% par rapport à un an plus tôt, selon le ministère de la Transition écologique, dont dépend le Logement. Les mises en chantier ont progressé de 6,3% à 94.000.
Le logement neuf peine donc à se redresser après un effondrement lors du deuxième trimestre, marqué par un strict confinement décrété par les autorités contre la propagation du coronavirus.
A l'époque, les mises en chantier, qui indiquent quels logements ont concrètement commencé à être construits, avaient vu leur nombre reculer de près d'un quart. Quant aux permis de construire, meilleur indicateur des tendances à venir, leur quantité avait chuté de près de moitié.
L'été n'a donc pas permis de pleinement retourner la situation, alors que le président Emmanuel Macron va annoncer de nouvelles restrictions mercredi soir, l'exécutif envisageant un nouveau confinement.
Sur l'ensemble des douze mois écoulés à fin septembre, le nombre de mises en chantier recule en effet de plus de 5% et celui des permis de 10%.
Le paysage est particulièrement morose pour les immeubles, qualifiés de logements collectifs. Le nombre de permis y chute de près de 15% sur la même période.
Le monde du logement, en premier lieu les promoteurs immobiliers, s'inquiète de multiples facteurs qui vont au-delà de la seule crise sanitaire.
Ils jugent que les élections municipales, dont la campagne a été rallongée de trois mois par le confinement, ont poussé les élus locaux à limiter les permis. Puis que la situation a perduré, le temps que les nouvelles équipes se mettent en place.
Les acteurs de l'immobilier réagissent aux chiffres
L'été n'a pas vraiment relancé la création de logements, plombée au printemps par le déclenchement de la crise sanitaire. Toujours moroses, les chiffres laissent craindre au secteur une crise durable, alors même que l'épidémie reprend et que l'exécutif envisage un reconfinement imminent.
"Je ne vois pas du tout de reprise forte. Les chiffres sont inquiétants (et) ne rassurent pas", a déclaré à l'AFP la président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), Alexandra François-Cuxac, à l'occasion des chiffres trimestriels sur le secteur.
Publié par le ministère de la Transition énergétique, dont dépend le Logement, le tableau est mitigé. D'un côté, les mises en chantiers, c'est-à-dire les logements dont la construction a vraiment commencé, sont plus nombreuses (+6,3%) qu'un an plus tôt.
Mais "c'est normal que ce rebond ait lieu", a minimisé Mme François-Cuxac. "Tout le monde s'est mobilisé pour rattraper le retard sur les chantiers à la rentrée."
De fait, ce chiffre est en trompe-l'oeil à plusieurs titres. D'abord, il ne marque qu'un petit redressement estival après un effondrement des mises en chantier - près d'un quart - au précédent trimestre, au coeur du strict confinement décrété par les autorités contre la propagation du coronavirus.
Ces restrictions ont bloqué de nombreux chantiers, le temps de mettre en place des mesures de sécurité sanitaires. Et le rattrapage estival n'a pas suffi: sur les douze mois écoulés fin septembre, les mises en chantiers sont nettement moindres (-5,6%) qu'un an plus tôt.
Surtout, un autre indicateur est plus inquiétant pour l'avenir. Les permis de construire, qui annoncent réellement la tendance des mois à venir, ont encore vu leur nombre baisser pendant l'été alors qu'ils avaient déjà chuté de près de moitié au second trimestre.
"On ne voit pas véritablement d'amélioration", prévient auprès de l'AFP Alain Tourdjman, économiste chez le géant bancaire BPCE.
En matière de logements, "l'effet majeur de la crise risque d'être observé davantage en 2021", insiste-t-il. "Les projections que l'on peut faire (...) me semblent à tous égards préoccupantes."
Élus timides
Le bilan est d'autant plus décevant que l'été avait été marqué par le déconfinement et la reprise de l'activité économique. Or, le gouvernement est désormais sur le point d'annoncer ce mercredi de nouvelles restrictions, au point d'envisager un nouveau confinement de quatre semaines.
Un déclin durable du logement neuf serait préoccupant au-delà de ce seul secteur économique. Une offre suffisante de logement est en effet garante d'un marché où les prix ne s'envolent pas, ce qui est à son tour un enjeu crucial pour une économie en sortie de crise.
M. Tourdjman estime que moins de 350.000 logements neufs pourraient être construits l'an prochain - les dernières années tournaient autour de 400.000.
"On n'a pas forcément besoin de construire 400.000 logements", nuance-t-il, mais, selon lui, cela impliquerait de revoir en profondeur les politiques publiques d'aménagement du territoire en soutenant plus activement le développement des villes petites et moyennes où s'accumulent de nombreux logements vacants.
Pour l'heure, et malgré l'essor du télétravail en temps de crise sanitaire, ce sont les grandes agglomérations qui concentrent la demande de logements avec comme emblème la capitale, Paris, où les prix sont partis pour s'installer bien au-delà de 10.000 euros le mètre carré.
Pourquoi, dans ce contexte, les maires n'octroient-ils pas plus de permis ? Les observateurs s'accordent à évoquer un ensemble de facteurs défavorables.
Non seulement la crise et le confinement ont gelé l'examen des permis, mais les élus ont aussi été encouragés à la timidité par une interminable campagne municipale, prolongée de trois mois par la crise.
Depuis, les professionnels constatent peu d'empressement chez les nouveaux élus, que ce soit parce que leurs équipes tardent à prendre leurs marques ou parce que le contexte politique semble moins favorable à la construction avec notamment l'arrivée au pouvoir de plusieurs maires écologistes dans de grandes villes.
"Tout est prétexte à ne pas accepter l'autre à côté de chez soi", regrette Mme François-Cuxac. "Les maires sont ceux qui doivent accompagner cette acceptation (mais) par endroit, je sens des élus lassés, fatigués de ce combat."
Signe que le gouvernement est conscient de l'enjeu, il a prévu une enveloppe de 350 millions d'euros pour récompenser les maires qui construisent le plus de logements.