BNP Paribas Personal Finance, connue en France sous la marque Cetelem, est jugée pour "pratique commerciale trompeuse" pour la commercialisation, de 2008 à 2009, de son offre Helvet Immo, des prêts destinés à de l'investissement locatif défiscalisé souscrits par plus de 4.600 particuliers.
La présidente de la 13ème chambre correctionnelle, Cécile Ramonatxo, résume: "On a un prêt en francs suisses remboursable en euros. Donc le risque de change est essentiel". Or, souligne-t-elle, "l'argument commercial majeur, c'est la stabilité du franc suisse", qui va pourtant s'envoler face à l'euro dans la foulée de la crise de 2008.
Le montage Helvet Immo s'est révélé toxique, le décrochage de l'euro diminuant la capacité de remboursement des emprunteurs. Certains doivent encore aujourd'hui rembourser un capital supérieur au montant emprunté alors qu'ils remboursent depuis plus de dix ans.
Plus de 2.300 emprunteurs se sont constitués partie civile, affirmant n'avoir jamais été pleinement informés des risques de change, tandis que la banque réfute toute pratique illégale.
A l'audience, son représentant, Marc Feltesse, revient sur le naufrage financier mondial initié par une crise américaine des subprimes à l'été 2007.
"Rien à l'époque ne pouvait laisser penser que cette crise, qui gagne l'Europe en 2008, allait affecter de façon différente l'économie suisse et la zone euro", affirme-t-il.
"Monnaie refuge"
Il rappelle que "le décrochage de l'euro face au franc suisse se situe au 2e trimestre 2010".
La magistrate énumère des rapports émanant de l'OCDE et de banques tirant la sonnette d'alarme dès 2007-2008. Elle rappelle que la banque nationale suisse doit même "intervenir à plusieurs reprises pour empêcher une appréciation du franc suisse par rapport à l'euro".
Une intervention plutôt de nature à "rassurer" la BNPP Personal Finance, affirme Marc Feltesse, qui n'y voit pas du tout le signe d'un emballement irréversible pour une "monnaie refuge". Quant à l'OCDE, c'est une "source parmi d'autres".
La présidente ne désarme pas et évoque une étude produite par la BNP elle-même prévoyant dès 2008 une dépréciation de l'euro: "Est-ce que vous estimez que vos propres informations ne sont pas fiables?"
Sans se démonter, le représentant de la banque se lance dans une brève description des sources plus fiables comme les prévisions de Bloomberg, fondées sur les estimations de plusieurs banques et marchés.
Suivant ces sources, affirme-t-il, l'amplitude du taux de change restait dans la fourchette habituelle pendant les premières années du prêt. "Mais de décembre 2007 à décembre 2008, le franc suisse a déjà gagné 6% sur l'euro", remarque Cécile Ramonatxo.
"Les prévisions remontent ensuite", intervient l'avocat de la banque, Me Ludovic Malgrain, ajoutant: "personne n'avait envisagé cette dépréciation de l'euro".
"Sauf la BNP", tacle la présidente. "Pas dans ces proportions", rétorque l'avocat.
Côté parties civiles, l'avocat Charles Constantin-Vallet veut savoir ce qui limite, dans le contrat, le risque de variation du taux de change. Le banquier évoque la possibilité soit de remboursement anticipé, soit de basculer son prêt en euros au bout de cinq ans.
"Ce n'est pas ma question", dit l'avocat, qui la repose trois fois, avant de reformuler: "Pensez-vous que la BNP fait partie de ces établissements irresponsables qui ont exposé leurs clients à un risque de change illimité?". "Certainement pas", répond le banquier.
Le procès se poursuit jusqu'au 29 novembre.