"Il fallait rendre la pyramide à son public" et accompagner le visiteur "presqu'au seuil des collections", explique Jean-Luc Martinez, le patron du musée du Louvre dont l'accueil a été totalement repensé.
Entrées
Premier objectif : fluidifier les déplacements. Les points de contrôle ont été doublés à l'entrée de la pyramide, l'accès le plus emprunté par les 9,5 millions de visiteurs annuels, dont la moitié ont moins de 30 ans. Les entrées par l'aile Richelieu et par le Carrousel ont été modernisés. Au total, le musée compte désormais cinq accès au lieu de trois. Le but est de diviser les files d'attente par deux.
Le Louvre table aussi sur le développement du billet horodaté (actuellement 20/25% des ventes) qui définit un créneau de visite et garantit l'entrée dans la demi-heure.
Noblesse
Deuxième objectif : rendre sa noblesse au grand hall. Fini le grand point d'information central exposé au bruit. Sur les conseils de l'architecte de la pyramide, I.M. Pei lui-même, deux comptoirs ont été intégrés dans des piliers et équipés de parois absorbantes: la communication est meilleure et le travail des agents plus facile.
Fini aussi le temps des édicules qui défiguraient le lieu : la billetterie est maintenant installée à la place de la librairie. Dans le même esprit, une seule bagagerie-vestiaire, ultra-moderne, a été créée. Quant aux espaces commerciaux, ils sont désormais situés dans l'allée du Grand Louvre.
Lisibilité
Pour permettre aux visiteurs, principalement étrangers - Américains, Chinois et Italiens forment le trio de tête - de s'y retrouver, des bannières représentant des oeuvres emblématiques aident à l'entrée de chaque aile à repérer l'emplacement des collections.
La signalétique a été entièrement repensée et une nouvelle application mobile de géolocalisation est téléchargeable sur le site du musée, à présent équipé de la WiFi : il suffit de désigner une oeuvre pour que l'itinéraire soit tracé jusqu'à son emplacement.
Compréhension
Mieux comprendre le musée, ses collections, son histoire, c'est l'ambition du réaménagement du Pavillon de l'Horloge dans l'aile Sully. Un projet résolument pédagogique associant superbes maquettes animées, écrans tactiles et film en 3D.
Depuis le Pavillon, "on voit l'ensemble du palais par les fenêtres, souligne le président du Louvre, Jean-Luc Martinez. Cela permet de comprendre la distribution des collections. Et la vue est magnifique sur la pyramide et le jardin des Tuileries".
Niveaux
Ce "centre d'interprétation" se déploie sur trois niveaux: au niveau inférieur, le Louvre médiéval et son évolution architecturale; au premier étage, une présentation des collections avec seize oeuvres représentatives et une maquette centrale indiquant leur localisation.
Au deuxième étage, une salle d'actualité où sont présentées les restaurations en cours, les achats récents, les recherches scientifiques sur les oeuvres et les autres Louvre (Lens, Abou Dhabi).
A chaque niveau, des maquettes tactiles ont été installées pour les mal-voyants.
Investissement
53 millions d'euros : conçu par l'agence parisienne Search, le projet Pyramide a coûté cher parce qu'il a été réalisé sans fermeture du musée, explique la direction. Il a été financé par les revenus générés par la participation du Louvre au projet d'Abou Dhabi, avec le soutien de sponsors privés.
Le coût de la transformation du Pavillon de l'Horloge représente entre 6 et 8 millions d'euros.
Au total, l'investissement pour les deux chantiers est "le plus important depuis celui du Département des arts de l'Islam.", selon Jean-Luc Martinez.
Quatre questions à Jean-Luc Martinez, président du Louvre
Le grand hall sous la pyramide a été complètement réaménagé. Pourquoi se lancer dans des travaux aussi coûteux (53 millions d'euros) ?
Le Louvre est presque le seul musée dont l'entrée est une oeuvre d'art. La pyramide, c'est le symbole du musée, c'est même devenu un symbole de Paris, et c'est une architecture qui a bien vieilli.
L'architecte du Grand Louvre, I.M. Pei, avait imaginé le hall sous la pyramide comme un espace entre la ville et les collections, une interface entre l'extérieur et les oeuvres.
Qu'est-ce qui a changé depuis ?
Tout a changé ! Dans les année 80, il n'y avait pas de caisses car les musées étaient gratuits, pas de vigipirate non plus, donc pas beaucoup de file d'attente. Le musée était plus petit, le pavillon Richelieu étant occupé par le ministère des Finances.
Mais surtout, depuis le lancement du projet Grand Louvre, la fréquentation du musée a été multipliée par trois: on était à 2,9 millions de visiteurs, on est proche des dix millions.
Comment répondre à cet afflux et à ses contraintes ?
Il fallait revoir les conditions d'accès et rendre la pyramide à son public. Et en même temps trouver une solution architecturale pour redonner de la noblesse à cet espace.
On a décomposé le parcours du visiteur pour l'accompagner presqu'au seuil des collections. Heureusement, on a pu travailler avec Pei lui même.
Pour autant, l'agence Search, qui était responsable du projet, a cherché à comprendre la démarche de l'architecte, mais elle n'a pas essayé de faire du faux Pei. Ainsi, pour les comptoirs, elle a choisi un mobilier en chêne, ce qui contribue à créer un univers moins minéral.
Vous avez aussi réaménagé le pavillon de l'Horloge pour y installer un lieu d'introduction à la visite. Pourquoi ce choix et cet emplacement ?
I.M. Pei dit que le musée du Louvre doit être compris depuis la Cour Carrée. Effectivement, ce devrait être le point de départ de la visite. On voit l'ensemble du palais par les fenêtres. Cela permet de comprendre la distribution des collections.
Le nouveau centre d'interprétation, ce que les aglo-saxons appellent un "visitor's center", est une initiation au musée et à son histoire.
Le Louvre a beaucoup de succès à cause de ses oeuvres bien sûr, mais aussi parce que c'est d'abord un palais. Il a été un laboratoire de la modernité architecturale : la Cour carrée est un chef d'oeuvre de la Renaissance, le Louvre XVIIe marque l'invention de l'ordre français, le Louvre Napoléon III est un chef d'oeuvre du XIXe . A chaque fois au coeur du pouvoir, on a osé la modernité.
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