Ces trois contrats de performance - avec le groupe SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités - prévus par la réforme ferroviaire de 2014 planifient les investissements sur 10 ans. Très attendus et approuvés par les trois conseils d'administration, ils doivent être signés en janvier.
Celui de SNCF Réseau est le plus scruté, car le gestionnaire d'infrastructures porte la plus importante part de la dette, 44 milliards d'euros sur un total de près de 50. Il "donne une visibilité à moyen terme, long terme, sur nos objectifs stratégiques", s'est réjoui le président de SNCF Réseau, Patrick Jeantet.
Un administrateur de SNCF Réseau explique qu'"avec ce contrat de performance, pour la première fois, on protège le ferroviaire des lubies de certains élus qui veulent leur ligne TGV et la font financer par le système ferroviaire".
Les députés Gilles Savary (PS) et Bertrand Pancher (UDI), auteurs d'un rapport sur la réforme ferroviaire, avaient eux aussi pointé du doigt des investissements non planifiés "parce que le politique veut en disposer pour tout promettre. (...) C'est un des facteurs majeurs d'endettement du système ferroviaire".
Ils avaient dénoncé de "grands choix d'investissement (...) très largement déterminés par la gouvernance colbertiste traditionnelle du secteur public français, ainsi que les jeux d'influence politique et de lobbying économique".
La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) décrit également un système ferroviaire "profondément dégradé et (qui) ne répond plus aux attentes des voyageurs et chargeurs. Faute de vision à long terme de l'Etat, son avenir est aujourd'hui compromis".
"Colmatage de brèches"
Dans une interview aux Echos, le président de la SNCF Guillaume Pepy a jugé lui aussi "(son) actionnaire (l'Etat qui la contrôle entièrement, NDLR) très, très contraint par le court terme, les circonstances politiques et les emballements médiatiques... L'État stratège est plus que jamais nécessaire, mais il n'a sans doute jamais été plus difficile à exercer".
Car voilà le paradoxe de l'Etat vis-à-vis de la SNCF: il lui demande de maîtriser l'endettement, tout en lui imposant les conséquences financières de ses propres décisions.
"J'ai l'impression qu'on fait du colmatage de brèche, qu'on met des rustines à droite et à gauche, qu'on intervient au dernier moment", se désolait récemment, lors des "Rencontres transports et mobilité", le sénateur (LR) Louis Nègre.
"Le dossier Alstom est pour moi symptomatique de la façon dont on traite les dossiers: les pouvoirs publics sont prévenus, au moins deux ans avant, qu'on va dans le mur", a-t-il continué. Mais il a "fallu attendre le dernier jour, la dernière heure, pour qu'on sorte du chapeau (...) 700 millions d'euros pour combler quelque chose qui était prévisible deux ans avant".
Invoquant un calendrier de commandes insuffisant, Alstom avait décidé la quasi-fermeture de Belfort, usine historique du TGV, en 2018. Les pouvoirs publics avaient alors annoncé des commandes pour maintenir l'activité du site, notamment des TGV qui circuleront d'abord sur des lignes classiques.
"Si vous demandez à SNCF Mobilité de faire de la productivité et que vous lui demandez d'acheter des rames LGV pour les faire circuler sur le réseau classique, vous dégradez complètement sa productivité, sa rentabilité", déplorent encore Gilles Savary et Bertrand Pancher.
Et alors que la dette du ferroviaire grossit toujours, le gouvernement a annoncé en septembre son refus de la reprendre. Une "règle d'or" est inscrite dans la réforme pour la plafonner, mais le régulateur du rail, l'Arafer, a regretté des lacunes dans le projet de décret.